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Médecin de brousse en Kanaky
24 mai 2012

Mon deuxième poste de travail : le dispensaire de Canala

Canala (Xârâcùù dans la langue éponyme) est une commune de Nouvelle-Calédonie située sur la côte Est de la Grande Terre en Province Nord,  entre Thio et Kouaoua, à 45 kilomètres de Kouaoua par une route de montagne étroite et toute en virages.

1capitale de la nouvelle calédonie droiteBlottie au fond d'une baie, Canala, baptisée Napoléonville à la grande époque, a failli devenir la capitale de la Nouvelle-Calédonie, car l’amiral Tardy de Montravel tomba littéralement sous le charme de ce site au potentiel de développement qu’il estimait important. Un siècle plus tard, pendant les années 1980, Canala s'est rendue autrement célèbre pendant les "Événements", la commune étant alors un redoutable fief indépendantiste. Une tendance qui n’a pas changé, mais qui s’affirme en général plus paisiblement. Toutefois,  l'adjonction des mots "en général" s'impose car récemment encore notre dispensaire lui même a été le siège de malveillances : une infirmière a été pillée dans sa maison durant son sommeil, et le quatre-quatre utilisé pour les visites en tribus a été dérobé puis incendié. Cela d'ailleurs entraine beaucoup d'agitation dans le village qui a vu se dérouler depuis un match de football solidaire du service de santé, une marche coutumière, etc. D'ailleurs les coupables ont été trouvés, une bande de jeunes, et sont entre les mains des chefs de tribus dont ils risquent de subir la juridiction avant celle de la justice territoriale, sûrement beaucoup plus... tendre...

        Aujourd'hui, Canala est une commune étroitement liée à l'activité du nickel.  Mais elle a autrefois connu son heure de gloire avec les sources thermales de La Crouen dont les eaux avoisinent la température de 40°, et dont les vertus étaient connues pour lutter contre l'hypertension, l'asthme, les rhumatismes et les troubles respiratoires. Beaucoup d’habitants aimeraient d’ailleurs réhabiliter ce site d’exception, afin de créer un attrait touristique supplémentaire à leur village. À voir aussi, la cascade de Ciu, les vallées de Dothio et de la Pehanno ainsi que le Pic des Morts qui offre un point de vue magnifique.

Il existe deux moyens de se rendre à Canala : soit par Thio, soit par La Foa.

Si l’on vient de Thio, il faut emprunter la route à horaires en bord du Pacifique  (qui fonctionne en sens unique alterné de 7 heures à 17 heures), sinueuse et escarpée, par le col de Petchécara. Depuis le sommet du col de Petchécara, on y découvre un fabuleux panorama. En cheminant, on traverse les jolies vallées de la Dothio et de la Pehanno, et par temps clair, on aperçoit les Iles Loyauté.

2 la route qui vient de la foa gaucheLa route qui vient de La Foa (c'est à dire "la transversale" décrite dans la page 2 de ce blog) est donc plus praticable : c'est la route qui passe par le col d’Amieu, circulant cette fois dans les deux sens et qui serpente à proximité des sources thermales de La Crouen.

C'est sur le site "tresordesregions.mgm.fr" qu'on peut trouver une bonne description de Canala :

"Il s'agit donc d'une commune de la province du Nord de Nouvelle-Calédonie au milieu de la côte orientale et à l’extrême sud-est de la province du Nord. Elle mesure 43 870 ha dont 13 693 de terres coutumières de l’aire Xaracuu, partagées entre treize tribus (un seul district) et qui forment 88% de la population. Celle-ci était de 2 800 hab. en 1956, 3 970 hab. en 1989 (en comptant Kouaoua) puis de 3 400 en 1996 après l’émancipation de Kouaoua, 3 500 en 2004 (4 700 avec la population comptée à part) ; aujourd'hui, on dénombre 5125 habitants dont  96% de Mélanésiens. Les deux tribus les plus étoffées sont celles de Gélima et de Méhoué, respectivement aux abords sud et nord de Canala.

La côte est extrêmement découpée par les profondes baies de Canala à l’ouest et de Nakéty au sud-est, séparées par la presqu’île Bogota, qui monte à 613 m et que termine le promontoire du cap Dumoulin. La baie de Canala s’enfonce de 12 km entre la presqu’île Bogota et la presqu’île Mara, qui est partagée avec Kouaoua, offrant un site intéressant. La vallée de la Canala compte plusieurs villages dont Négropu, Mérénémé et Boakaine, et la source thermale sulfurée sodique de la Crouent, dont l’établissement thermal a fonctionné de 1946 à 1984.

Le mont Canala, au sud du bourg, monte à 1098 mètres et domine de peu le haut plateau de Dogny aux vastes pelouses ; les cascades de Ciu, sur le versant nord au-dessus du bourg, sont réputées. Quelques pétroglyphes (sculptures préhistoriques dans la pierre) ont été découverts sur les reliefs côtiers. Le point culminant de la commune est un peu à l’est, au Nakada (1 134 mètres), aux sources de la Nakéty qui débouche en mer un peu en aval du village Nakéty, lieu de naissance d’Éloi Machoro, d’environ 500 habitants.

Le bourg de Canala est à 165 kilomètres de Nouméa ; il a débuté comme poste militaire, et se nomma même, on l'a vu, Napoléonville en 1859 ; mais très vite du nickel a été trouvé et exploité non loin, au-dessus de Boakaine, un peu à l’ouest de Canala. Du cobalt a également été extrait. L’activité minière est maintenant concentrée à Kouaoua (mon deuxième poste de travail dont j'ai esquissé le décor en page 2 de ce blog) , qui s’est séparée de Canala pour former une nouvelle commune en 1995, et sur les collines littorales juste à l’est de Nakéty, village qui semble également envisager une scission. Sur le site de Nakéty, la NMC (SMSP) possède les mines Édouard, Eureka et Circé qui fournissent 400000 tonnes par an avec 35 salariés, et partage un appontement d’expédition avec le groupe Ballande (sociétés Gemini et des mines de Nakéty ou SMN) qui exploite les gisements de Bogota, Barbouillé et Gio. Canala est reliée à La Foa et Nouméa par la transversale de Sarraméa qui passe par le col d’Amieu.  Nakéty a l’une des principales tribus de la commune (500 membres).

Sur la commune de Canala, on trouve une supérette et un guichet de banque, cinq écoles primaires (600 élèves), une maison familiale rurale et un collège public (260 élèves) ; plus de 44% de ses habitants ont moins de 20 ans. L’école populaire kanak (EPK) a acquis une célébrité dans l’enseignement de la langue mélanésienne (ici le xaracuu), également enseignée au collège public. Canala est la commune la moins agricole du pays, avec seulement 82 hectares "exploités"."

 

        Histoire :  

Canala fut donc d'abord nommée Napoléonville, et Tardy de Montravel voulait en faire la capitale de la Nouvelle-Calédonie.

Au début des années 80, Canala a pris une part importante pendant les Evénements menés par Eloi Machoro. La commune était alors un fief indépendantiste très engagé. Je reviendrai dans cette page sur la vie et les actions de Eloi Machoro qui reste un repère essentiel pour les militants favorables à l'indépendance de la Nouvelle Calédonie.

Bien avant lui, c'est en partie à Canala (une trentaine sur cent-onze que contenait  ce groupe) qu'a été constitué le groupe kanak  qui a été "convié" par les autorités coloniales à "découvrir" l'exposition coloniale de 1931 à Paris.

 

        Économie : 

Après avoir prospéré grâce aux sources thermales de La Crouen, Canala a cherché à réhabiliter le site thermal, sans succès faute d'entente entre les tribus concernées. 

La commune comporte actuellement 3 mines en activité, elle développe depuis plusieurs années les activités agricoles (OGAF) et touristiques (gîtes, accueil chez l'habitant). La fête de la mandarine et des fruits de Canala attire plusieurs milliers de visiteurs tous les ans au début du mois de juillet.

 

        Lieux et monuments :  

Au nord-ouest du village, enfin, la baie de Canala offre également de belles vues, surtout depuis le Pic des Morts.

Sont remarquables les sites suivants : la cascade de Ciu, les sources thermales de La Crouen,3 sont remarquables les sites suivants droite le panorama du col de Petchécara, la Baie de Canala (une des plus grandes de Nouvelle-Calédonie), le lac de Ouassé sur la presqu'ile de Bogota, la Baie de Nakety, l'Église de la Mission, l'Église de Nakéty (et la tombe d'Éloi Machoro).

                                                                                          Sources thermales de la Crouen

L'Histoire donc de Canala est dense, à la fois à l'échelle locale, mais également à l'échelle calédonienne et dans les relations entre ce territoire et la métropole.

De là, est parti donc l'essentiel d'un groupe de 111 kanaks, les Canala, qui a été comme nous allons le décrire "exposé" comme des animaux dans un zoo lors de l'exposition universelle de 1931.

C'est  ici aussi que vont naître les "événements" de 1984, 1988, et c'est à deux pas qu'Eloi Machoro est enterré.

Afin de mieux comprendre les problématiques des kanaks par rapport à l'administration coloniale, il est indispensable de raconter l'épisode de la participation des "Canala" à l'exposition coloniale de 1931

(Article conçu en partie à partir du site "histoire géo lycée Rombas", de celui de Site Hnet : humanities and social Sciences).

"La seconde vague de colonisation française débute presqu'avec la défaite de 1871 contre la Prusse. La jeune république (la III ème)  voit dans la colonisation une façon  de relever la tête en attendant la Revanche. En 1914, l'Empire colonial  français est à son apogée ; il  s'étend sur 12 millions de km² (soit environ 24 fois la France) sans que les Français y soient vraiment très sensibles.

 Le Ministère  des Colonies et d'autres instances gouvernementales décident de célébrer en 1931 les grandes réussites du système colonial français (notons qu'il ne s'agit pas de la première exposition de ce type en France : Amiens, Marseille, Paris en 1906, Bordeaux en 1907, Lyon en 1914, Marseille en 1922 organisent des expositions coloniales).

C'est à Canala, que les Français ont trouvé leurs premiers alliés Kanak, à la fois dès 1853, mais surtout en 1878 lors de la grande révolte d'Ataï ; c'est donc logiquement qu'une trentaine de Kanak originaires de Canala sont partis à cette exposition coloniale.

En janvier 1931 donc, cent onze Kanak, dont une trentaine originaires de Canala, sont partis à l'exposition coloniale, pour présenter des danses et leurs coutumes. Il est utile de rappeler que le but de cette exposition était de donner à voir "l'œuvre civilisatrice" de la France. Ces volontaires se retrouvèrent exposés comme cannibales au jardin d'acclimatation, puis, pour certains, échangés contre des crocodiles et présentés dans un zoo de Hambourg et dans une tournée dans les grandes villes allemandes. Voici ci-après quelques courriers relatant cet épisode, qui montrent bien que notre ancien ministre Claude Guéant n'a rien inventé !

En six mois, l'exposition (qui se tient à Vincennes) attire près de 8 millions de visiteurs venus découvrir la grandeur de la France et  les facettes de ce vaste empire très exotique pour les Métropolitains.

 Paul Raynaud, ministre des Colonies, dans un de ses discours (le  2 juillet 1931)  présente ainsi la colonisation : "La colonisation est un phénomène qui s’impose, car il est dans la nature des choses que les peuples arrivés à son niveau supérieur d’évolution se penchent vers ceux qui sont à son niveau inférieur pour les élever jusqu’à eux."

 Nous sommes bien loin du discours de Sarkozy prononcé en décembre 2007 en Algérie où ce dernier critique ouvertement et fortement le phénomène colonial.

 A cette époque, la colonisation fait à peu près l'unanimité en France, exceptée chez quelques intellectuels et au Parti communiste. Ce dernier organise une contre-exposition qui passe à l'époque presque inaperçue. Elle cherche à dénoncer les crimes de l'impérialisme colonial.

Un blog dédié au fait colonial  est assez complet mais plutôt polémiste : il s'agit de lire les articles avec un œil critique et vigilant (etudescoloniales.canalblog.com/archives/21___l_histoire_coloniale_a_l_ecole/index.html).

Il faut de fait évoquer ce qu'était l'exposition coloniale, dans la réalité.

En effet, celle-ci mettait en scène tous les peuples prétendus sauvages qui avaient pu bénéficier de la  civilisation européenne.

Parmi les stands qui ont été riches en documents de toutes sortes,  on trouvait celui des anthropophages de Nouvelle-Calédonie d'où les 111 Kanaks ont été envoyés à Paris pour représenter l'œuvre "civilisatrice" de la France.4 après claude guéant n'a rien inventé gauche

            Pour évoquer cet épisode aujourd'hui incroyable, on peut avantageusement découvrir un petit roman de Didier Daenickx intitulé "Cannibale", dont voici le résumé : 1931, l’Exposition Coloniale. Quelques jours avant l’inauguration officielle, empoisonnés ou victimes d’une nourriture inadaptée, tous les crocodiles du marigot meurent d’un coup. Une solution est négociée par les organisateurs afin de remédier à la catastrophe. Le cirque Höffner de Francfort-sur-le-Main, qui souhaite renouveler l’intérêt du public, veut bien prêter les siens, mais en échange d’autant de Canaques. Qu’à cela ne tienne ! Les "cannibales" seront expédiés.

Voici ci-après un extrait du texte faisant référence à un échange avec l'Allemagne d'un certain nombre de ces mélanésiens contre un troupeau de crocodiles :

- Ah, c’est enfin vous, Grimaut ! Cela fait bien deux heures que je vous ai fait demander... Que se passe-t-il avec les crocodiles ? J’ai fait le tour du parc ce matin, avant de venir au bureau, je n’en ai pas vu un seul dans le marigot...

     Grimaut commence à transpirer. Il baisse les yeux.

- On a eu un gros problème dans la nuit, monsieur le haut-commissaire... Personne ne comprend ce qui a bien pu se passer...

- Cessez donc de parler par énigme ! Où sont nos crocodiles ?

- Ils sont tous morts d’un coup... On pense que leur nourriture n’était pas adaptée... Á moins qu’on ait voulu les empoisonner...

     L’administrateur reste un instant sans voix, puis il se met à hurler.

     Grimaut déglutit douloureusement.

 - Morts ! Tous morts ! C’est une plaisanterie... Qu’est-ce qu’on leur a donné à manger ? De la choucroute, du cassoulet ? Vous vous rendez compte de la situation, Grimaut ? Il nous a fallu trois mois pour les faire venir des Caraïbes... Trois mois ! Qu’est-ce que je vais raconter au président et au maréchal, demain, devant le marigot désert ? Qu’on cultive des nénuphars ? Ils vont les chercher, leurs crocodiles, et il faudra bien trouver une solution... J’espère que vous avez commencé à y réfléchir...

     L’adjoint a sorti un mouchoir de sa poche. Il se tamponne le front.

- Tout devrait rentrer dans l’ordre au cours des prochaines heures, monsieur le haut-commissaire... J’aurai une centaine de bêtes en remplacement, pour la cérémonie d’ouverture. Des crocodiles, des caïmans, des alligators... Ils arrivent à la gare de l’Est, par le train de nuit...

 - Gare de l’Est ! Et ils viennent d’où ?

     Grimaut esquisse un sourire.

- D’Allemagne...

- Des sauriens teutons ! On aura tout vu... Et vous les avez attrapés comment vos crocodiles, Grimaut, si ça n’est pas indiscret ?

     L’adjoint se balance d’un pied sur l’autre.

- Au téléphone, tout simplement. Ils viennent de la ménagerie du cirque Höffner, de Francfort-sur-le-Main. C’était leur attraction principale, depuis deux ans, mais les gens se sont lassés. Ils cherchaient à les remplacer pour renouveler l’intérêt du public, et ma proposition ne pouvait pas mieux tomber...

     Albert Pontevigne fronce les sourcils.

- Une proposition ? J’ai bien entendu... J’espère que vous ne vous êtes pas trop engagé, Grimaut.

- Je ne pense pas... En échange, je leur ai promis de leur prêter une trentaine de Canaques. Ils nous les rendront en septembre, à la fin de leur tournée.

Inspiré par ce fait authentique, le récit déroule l’intrigue sur fond du Paris des années trente – ses mentalités, l’univers étrange de l’exposition – tout en mettant en perspective les révoltes qui devaient avoir lieu un demi-siècle plus tard en Nouvelle-Calédonie.

            Voici comment récemment une conférence au Centre Culturel de Canala a relaté cet épisode de l'exposition des "mangeurs de chair humaine" :

"Un agent de recrutement est envoyé chez le Grand Chef Kaké pour l‘inciter à partir à Paris participer à l’exposition coloniale avec une délégation de personnes de Canala. Le grand chef ne reçoit pas d’échos favorables de la part de ses sujets. "Si personne ne veut partir, moi je vais m’inscrire demain", aurait dit le grand chef. Par respect, et parce qu‘aussi on n‘abandonne pas son chef, 36 personnes décident de l’accompagner" (Gilbert Tyuiénon)

"Les  habitants  de Canala ont reçu les colons, ont accepté l’évangélisation des tribus, ont participé à la première guerre mondiale... C‘était aussi un acte pro-français que d’accepter ce départ vers la métropole” (Martial Tyuiénon).

"Mon grand-père est parti parce qu‘il était sujet du chef. On ne pouvait pas laisser partir un Grand Chef tout seul. Mon père avait dix-huit ans et était fils unique. Lui, il est resté" (Patrice Moassadi).

Lors de l’exposition coloniale, on a trouvé aussi des gestes d’humanité chez les populations européennes. Madame Féré, à Paris, a accueilli des membres de la délégation de Canala et leur a offert des manteaux pour qu’ils se protègent du froid. A Hambourg, quelques allemands se sont liés d’amitié avec les populations de Canala et certains de nos aïeux ont donné des prénoms allemands à leur descendance. Reconnaissance de tous envers le Moniteur  Auguste Badimoin,  qui le premier a écrit pour porter plainte contre les traitements infligés aux membres de la délégation kanak.  A son retour d’ailleurs, il n’a pas été ré embauché dans l’enseignement.

            Très intéressant, le site d'un collège de Nouvelle-Calédonie qui présente les témoignages des descendants de ces zoos humains. Il s'agit d'une collecte de documents intitulée "Les Sources" (site interhg.free.fr/expoweb/index.html) où l'on comprendra bien que les "cannibales" présentés  étaient  d'un niveau autrement différent que celui qu'on voulait leur accorder.

 

- Lettre au ministre des colonies ; 28 juin 1931

            Ils sont traités comme des esclaves et sont surveillés partout et toujours. Exemple : Interdiction de dépasser de plus de vingt mètres leur habitation. Ils ne peuvent mettre qu'un morceau d'étoffe appelé "manou" et marchent pieds nus, ils dansent quatre à cinq fois par jour et la durée de chaque dans est de trente minutes, sans aucune journée de repos, même les jours pluvieux.

 

- Lettre d'Auguste Badimoin à Emile Michaudet depuis Hambourg :

Le 3 juin 1931

Badimoin (Le moniteur de l'enseignement déjà cité) écrit à Michaudet qu'il doit faire tout son possible pour les rapatrier en France, car ils souffrent trop en Allemagne. On leur interdit de mettre des linges chauds, on leur dit aussi qu'ils doivent danser du matin jusqu'au soir sans s'arrêter.

(Archives de Nouvelle-Calédonie : 1 Mi 30 R 9 - CAOM : 54 APOM 4)

            Hambourg le 3 juin 1931

            Cher Michaudet

Je vous annonce que depuis notre arrivée ici à Hambourg nous avons commencé à danser depuis le matin jusqu’au soir sans compter les autre jeux comme courses à pied, lancement de flèches de sagaies et de javelot, nage et aussi 4 gros et longs mats. Tous ces jeux doivent exécutés aussitôt après les danses et quand tout est terminé nous allons immédiatement à la construction des pirogues. Trois énormes troncs d’arbre que le directeur nous a ordonné de creuser peur en faire trois pirogues. Nous avons déjà fini une qui est servie en promenade aux visiteurs dans l’étang, les deux autres ne sont pas entièrement terminées sans compter d’autres d’entre nous qui sont occupés dans d’autre troncs d’arbres à tailler des figures. Un autre ordre du directeur est qu’au moment de la représentation nous devons sortir nu simplement en manou. On nous défend de sortir en pantalon et paletot et aussi avec les chaussures.

Il y a trois fois qu’il tombait de la pluie et au lieu de nous laisser reposer comme c’était à Paris il nous faisait danser quand même. Oh Monsieur si vous voyez comme on nous traite durement nous n’avons aucun moment de reposer ou laver notre linge. Tout le monde est dans une désolation complète nous regrettons notre séjour à Paris ou nous nous trouvions cent fois mieux qu’ici.

Nous vous prions de transmettre Mr Bergnier Mr Coulon et tous nos protégés calédoniens que les deux groupes rentrent encore en France pour voir l’Exposition car c’est notre désir et c’est à ce seul but que nous avons quitté volons aire ment notre pays et notre famille dans l’espérance qu’on nous entourerait de soin.

Aujourd’hui il pleut beaucoup hier aussi près que une vingtaine sont enrhumés et couche au lit car nous avons dansé malgré la pluie mais le directeur vient de faire sortir d’autres pour aller faire le feu dans des huttes mal couvertes c ‘est dans ces hutes que nous restons assis parterre sans nattes ni pailles comme nous a dit le directeur pour faire croire aux visiteurs que nous sommes des sauvages et qu’il n’y a encore aucun européen chez nous .

Ce qui nous cause le plus de mal c’est la nage comme ici il fait encore plus froid qu’à Paris et le beau temps est très rare .Nous comptons sur vous monsieur ainsi qu’à vos amis de trouver le seul moyen de faire rentrer à Paris.

Je vous ai déjà écrit une lettre le mois dernier j’espère que vous l’avez déjà reçue

Présentez mes meilleurs souhaits à madame ainsi qu’à Mr et M Coulon et Bergnier

Recevez Mr Emile mes sincères salutations et l’express mes sentiment respectueux

Auguste Badimoin

 

- Circulaire du ministre des Colonies au sujet des exhibitions d'indigènes, Paris le 27 juillet 1931 (Source : C.A.O.M. Affaires politiques carton 288).

            Le ministre des Colonies

            à Messieurs les Gouverneurs Généraux de l'Indochine, l'A.O.F., l'A.E.F. et Madagascar ; à Messieurs les Gouverneurs de la Côte française des Somalis et Dépendances, la Nouvelle-Calédonie et Dépendances, des Etablissements Français de l'Océanie ; à Messieurs les Commissaires de la République au Togo et au Cameroun.

            Le département a été saisi, à plusieurs reprises, de vives protestations relatives à des exhibitions d'indigènes de nos possessions d'outre-mer, et qui sont données, tant en France qu'à l'Etranger.

Ces manifestations spectaculaires, organisées par des Associations privées ou des particuliers, sous couvert de propagande coloniale ou d'un but humanitaire ou philanthropique ne constituent, en réalité, que des exhibitions mercantiles qui ne s'adressent que trop souvent à la curiosité malsaine du public. En dehors de l'attrait du nouveau et de l'insolite, ces spectacles, qui ne présentent d'ordinaire que des types inférieurs d'humanité, n'offrent, au demeurant, aucun intérêt instructif ou documentaire ; ils ne peuvent que contribuer à déformer, aux yeux des foules qui s'y pressent, l'objet même de l'œuvre de civilisation que nous poursuivons aux Colonies et discréditer les résultats que nous avons acquis dans cet ordre d'idées.

Aussi, ai-je décidé qu'il y aurait lieu, désormais, d'interdire tout recrutement d'indigènes pour ces sortes d'attractions, à moins qu'il ne s'agisse de concours se rapportant, exclusivement, à des manifestations d'ordre économique ou artistique placées sous le contrôle d'organismes officiels. Et encore, dans ce cas exceptionnel, vous voudrez bien, avant d'accueillir les demandes qui pourraient vous être adressées, me consulter sur l'opportunité de leur acceptation.

Je vous serai obligé de vouloir bien m'accuser réception de la présente circulaire.

 

- Lettre au ministre (Source : C.A.O.M., Affaires politiques, carton 288) citée dans Joël Dauphiné : Canaques de La Nouvelle-Calédonie à Paris en 1931).

Lettre de Paul Leyraud au ministre des Colonies, Saint-Gaudens, 20 octobre 1931.

            Monsieur le ministre,

            Le 12 septembre dernier vous avez bien voulu m’accorder audience, au cours de laquelle je vous ai communiqué un câble relatif aux indigènes, venus de Nouvelle-Calédonie, pour figurer à l’ Exposition, et me réclamant la date d’embarquement retour de ces indigènes. Vous m’avez demandé de vous laisser ce câble pour étude de la question et décision. Le 28 septembre je vous ai écrit pour vous demander réponse. Il y a quelques jours, à Paris, j’ai téléphoné à votre cabinet posant la même question et je suis toujours sans réponse. Je ne puis moi-même câbler pour que les familles de ces indigènes soient averties de leur sort et là-bas il doit avoir impatience.

Vous savez dans quelles conditions ces canaques se sont embarqués ; ils ont été trompés et ils ont aigreur. Ils peuvent bientôt tout travail et je crains des répercussions futures. Non pas la révolte ouverte, mais une résistance passive pour un long avenir. Ce ne sera plus la domicile d’antan et le dévouement. Ils ne seront pas blâmables et cependant il adviendra que colons et administration éprouveront les conséquences de cette résistance passive. Au moment des récoltes, alors que la main-d’œuvre temporaire est nécessaire ils invoqueront qu’ils sont eux-mêmes planteurs. Les colons qui actuellement plaident pour les canaques, non pas en égoïstes et en vue de l’avenir que je vous signale, mais par esprit de justice, seront déçus et aigris à leur tour. Le nouveau Gouverneur que vous envoyez aura des difficultés. Ca ira mal à tous points de vue. Ce que je dis est réaliste, basé sur ma connaissance des indigènes ; ils n’ oublient pas facilement.

Croyez bien que ce n’est pas à cause de ces préoccupations d’avenir que j’interviens ; elles n’existaient pas au début. Il importe d’abord qu’ils aient satisfaction, au point de vue moral simplement. Ces gens –là sont venus pour huit mois, il faut tenir parole. Tout le reste n’existe pas.

Ne croyez pas qu’ils tiennent à visiter le Midi ou les veilles. Ils réclament leur liberté, leur soleil, leur cocotiers et surtout leur familles. Et puis je crains l’hiver pour eux. Ils ne savent pas, sont imprudents, et la tuberculose arrivera finalement. Ils la sèmeront au retour dans les tribus. C’est pourquoi j’ai l’honneur de vous demander d’intervenir, de prendre la décision indispensable : le retour. Vous êtes le grand « protégeant » et ils ont foi en vous. Je vous en prie, dise la date de leur départ.

Veuillez agréer, Monsieur le Ministre, l’assurance de mes sentiments dévoués et respectueux.

Signé : Paul Leyraud

 

- Autre lettre au ministre :

            Hambourg le 28 juin 1931 : le ministre des colonies à Paris

            Monsieur le Ministre ;

Nous avons l’honneur de vous faire connaître les nouvelles de notre désolante situation ici à Hambourg . Nous avons premièrement vous informer la cause de notre venue en France.

Mr Pourroy est chargé d’aller en Calédonie demander des volontaires pour assister à l’Exposition coloniale de PARIS , pour une durée sept mois c’est à dire jusqu’au mois d’août avant l’automne et après nous nous en retournerons. C’est pour cela que nous sommes intéressés et venus comme volontaires à profiter pour voir et visiter la France et d’en apporter au retour à notre pays quelques beaux souvenirs de ce nous aurons vu à l’Exposition.

Mais en arrivant à Paris au mois d’Avril cette société dont monsieur Pourroy est un des membres a changé de paroles et nous a dit que monsieur Guyon , gouverneur de Calédonie , a signé avec lui un contrat de deux ans en France , et ce n’est plus les sept mois qu’il nous a promis en Calédonie. Et maintenant par leur ordre , deux groupes se détachent de celui qui reste a Paris , pour venir jusqu’ici en Allemagne , pays très étranger et très inconnu pour nous.

Monsieur le ministre , nous nous désolons complètement et nous ne voulons plus rester très longtemps ici , notre seul désir c’est de retourner par votre ordre à l’exposition et revoir la chère France , où la vie est plus facile qu’ici, et après l’exposition au mois de septembre nous retournerons à notre petite Calédonie avec quelque beaux souvenirs de la mère patrie et raconter avec joie à notre famille .

Pour nous ce n’est pas intéressant de raconter les beautés et les faits des pays étrangers plus que notre France. Ici à Hambourg , loin de la vue des protégeant français , nous sommes traités violemment comme des esclaves et surveillés partout et toujours , nous sommes toujours retenus et nous interdit de dépasser de pas plus de vingt mètres de notre habitation ; il y a de deux mois que ça dure. La société nous défend de sortir et de rester à la vue du public sans aucun habit civil. Nous mettons simplement un morceau d’étoffe appelée  manou, un tricot et nous marchons pieds nus, nous dansons quatre à cinq fois par jour et la durée de chaque danse est de trente minutes sans aucune journée de repos même les jour pluvieux et dans l’intervalle des heures de danse nous ne perdons pas une minute , nous nous empressons à d’autres travaux manuels : à creuser quatre énormes troncs d’arbre pour faire des pirogues sans compter d’autres petits objets que le directeur ordonne à faire personnellement et tout est mis en vente pour la société et nous n’obtenant aucune part pour les prix. Malgré tout cela elle ne se trouve pas encore satisfaite pour notre dévouement , est de l’obéissance que nous avons toujours à son égard. Monsieur le ministre nous attendons impatiemment votre ordre pour nous rendre la joie et le bonheur de retourner aussitôt et sans retard à Paris pour l’exposition .

Veuillez agréer monsieur le ministre l’assurance de nos salutations respectueuses.

Signé : Groupe canaques de la Calédonie à Hambourg (Allemagne)  

 

- Maintenant, un extrait d'article de Alain Laubreaux, dans le journal "Candide" du 14 mai 1931 :

Les cannibales à Paris : une heure chez les mangeurs d'hommes.

"Vous avez vu comme moi l'affriolante publicité dont les journaux étaient pleins : les Canaques au jardin X…" Puis quelques lignes d'une savante imprécision où revenaient les mots "cannibales" et "mangeurs d'hommes". Une seule chose paraissait oubliée par les organisateurs de ce spectacle sensationnel, attraction coutumière en ces exhibitions : le repas des fauves. Voyez-vous l'effet d'un tel programme : A cinq heures le dîner des cannibales ? On aurait refusé du monde.

Je connais les canaques. J'ai vécu trois ans parmi eux, dans leur pays. Ils n'étaient pas anthropophages à cette époque. Mais il y a douze ans de cela. En douze ans de civilisation, il est possible qu'ils le soient devenus. J'ai voulu m'en assurer. Je suis allé voir les canaques.

Pour arriver à eux, il y a d'abord le tourniquet du Jardin où l'on dépose trois francs. (C'est déjà une image de la Nouvelle, où tant de gens ont été admis à la contemplation forcée des canaques après être passés à un autre tourniquet où ils déposèrent leurs droits civils.) Puis, ayant franchi une bonne distance à travers un paysage si désolé que le désert paraît surtout y être acclimaté, on se trouve devant une haute palissade derrière laquelle sont parqués les terribles sauvages. Ici, deuxième péage : cent sous. Mais pour voir des êtres qui se repaissent de chair humaine, huit francs, ce n'est pas trop au cours actuel du bifteck.

Entrons. Parmi des cases en bois recouvertes de paille, j'aperçois des hommes noirs, la peau à l'air exposée, le ventre ceinturé d'une étoffe colorée qu'on appelle, chez eux, le manou, et qui, de la chute des reins leur descend jusqu'aux pieds. Ils circulent à pas lents, l'air féroce à souhait, échangeant entre eux des propos d'une voix gutturale qui donne la chair de poule. Ils portent à bout de bras d'homicides casse-têtes, et nous glissent des regards qui, à coup sûr, détaillent sous nos vêtements européens le faux filet et la côte première. On n'aimerait guère le rencontrer, la nuit, au coin du bois de Boulogne.  Décidément on a eu raison de les enfermer. Je n'ouvre pas sans frémir la brochure qui nous est vendue à l'entrée et qui - ô dérision - est éditée sous l'aspect élégant des programmes de nos théâtres parisiens. On y voit (jeune première) la photo d'une popinée sur fond de cocotier, nue, et la taille prise dans un tapa végétal, et, plus loin (grand premier rôle) un guerrier farouche, armes à la main, aigrette de barbare aux cheveux, gris-gris de nacre aux poignets, et le visage de barbare à tatouages. Puis sous le titre "Le Cannibalisme", voici ce qui correspond à l'analyse de la pièce :

"Dans la maison du chef, la plus grande hutte du village, une douzaine d'hommes assis forme un cercle. Un foyer et des torches jettent sur eux des lueurs d'incendie, exagérant les ombres. Au milieu, sur de larges feuilles de bananier, s'élève un monceau de chair humaine fumante. Le four est là béant. Il a été creusé dans le sol même de la paillote, garni au fond de pierres brûlantes sur lesquelles des membres détachés à coups de hache ont été soigneusement étalés puis recouverts d'un nouveau lit de pierres chaudes et de débris végétaux assurant l'étanchéité pendant la cuisson. A présent de ce trou, une âcre odeur s'élève. Une joie farouche se peint sur la face bestiale des féroces convives. Le vieux chef à barbe blanche, à la poitrine ridée, aux membres étiques, est le plus horrible à voir. Il s'acharne sur une tête, dévore le nez, les joues. Avec un bois pointu, il fait sauter les yeux ; puis exposant la partie occipitale au feu vif, il fait dégager la cervelle pour mieux s'en délecter ; ainsi le crâne n'est pas brisé. On pourra l'ajouter aux macabres trophées."

- Brrr. Ne restons pas là, me dit l'impressionnable compagne qui lit en même temps que moi.

A ce moment, un des hommes tragiques passe auprès de nous et instinctivement, nous nous reculons, car il a un aspect encore plus sanguinaire encore que les autres. Nos regards se croisent, et tout à coup :

- Hé, lui dis-je, tu ne t'appelles pas Prosper ?

Il s'arrête, me considère longuement.

- Oui, fait-il.

- Tu ne me reconnais pas?

Il secoue la tête. Je me nomme. Alors, il pousse un cri à fendre l'air.

- C'est toi Alla, s'écrie-t-il.

Et voilà qu'il me saisit les mains et les serre avec effusion.

Ah ! me dit-il, tu n'as pas maigri.

Il faut dire que je pesais cinquante huit kilos quand nous nous sommes connus, Prosper et moi, et j'arrête aujourd'hui l'aiguille de la bascule au respectable chiffre 97.

Mais je dois vous présenter mon "mangeur d'hommes".

Prosper était, au cours des années 1919 et 1920, employé à l'imprimerie de Nouméa, où il remplissait, par rapport à ses confrères de couleur, des fonctions nobles puisqu'on lui confiait la responsabilité d'une Minerve. C'est que Prosper, dans son enfance, avait étudié pour être savant et gagner sa vie au chef-lieu.

De la petite tribu de ses parents à Maré, chaque jour, il se rendait à l'Ecole de la Mission où on lui enseignait le catéchisme, la géographie, l'histoire, la lecture et l'écriture. Comme les enfants de France, il savait, dès cette époque que son pays s'appelait la Gaule et ses ancêtres les gaulois, que sa patrie est arrosée par quatre grands fleuves, la Seine, la Loire, le Rhône et la Garonne, et que Notre Seigneur Jésus-Christ, dans les temps jadis, mourut sur la croix pour racheter sa race et ses péchés.

Et je le retrouve cannibale douze ans plus tard, à Paris. Comme je lui exprime ma stupéfaction, il se met à rire silencieusement d'un air roublard.  Puis :

- Il fallait bien, me dit-il, pour venir à Paris.

- Mais pourquoi, Prosper, as-tu voulu venir à Paris ?

Cette fois encore, une franche gaîté illumine les yeux du canaque. Il entrouvre la bouche, passe une langue gourmande sur ses lèvres épaisses :

- Tiens ! pardi ! pour voir les petites parisiennes !

A ces mots, les Canaques qui se sont approchés depuis un moment assistent, curieux, à notre entretien partent tous d'un éclat de rire immense . Prosper fait les présentations. Ecoutez, je n'invente rien. On peut encore s'en assurer au pavillon de la Nouvelle Calédonie à l'exposition. Ces fauves bestiaux s'appellent Elisée, Jean, Maurice, Germain et même Marius. L'un était à Nouméa cocher aux magasins Ballende, l'autre employé à la douane, celui-ci maître d'hôtel, celui-là timonier à bord d'un cargo côtier. Il y en a un qui était dans la police, un autre bedeau. Le plus beau de l'affaire est que le Barnum de cette extravagante tournée s'appelle l'Administration française. Car si les Canaques ont conscience qu'ils participent à une mascarade, il ne faut pas oublier qu'elle a été organisée officiellement sous le haut contrôle du ministère des colonies, dans un temps où nos Maîtres n'ont à la bouche que les mots de progrès, d'émancipation sociale et de dignité humaine."

 

- Une fiction proposée dans le même site : Les Canala à l'exposition coloniale

Wathio Kaké à son grand-père.

Esprit de mon grand-père, moi, Wathio Kaké, ton petit-fils, à qui tu as transmis les savoir-faire et les lois, je vais te raconter ce que j'ai ressenti quand je suis parti en France avec mes sujets pour représenter la Nouvelle-Calédonie, notre terre aimée, devant les Blancs.

Avant de partir, j'étais content, mais en même temps, j'avais peur parce que j'avais la vie de plusieurs personnes : des enfants, des femmes enceintes, entre mes mains. Juste avant de monter dans les camions à La Foa, pour partir sur Nouméa, j'ai regardé ma délégation derrière moi, j'étais très content, souriant, très pressé de partir en France, et cela m'a soulagé de ma peur.

Arrivés en France dans le port de Marseille, nous sommes remontés en train à Paris.

Là , Ils nous ont mis dans un zoo et ils nous ont dit de construire des pirogues, de jouer le rôle de mangeur d'hommes. Ils nous ont appelés "Cannibales" et traités comme des chiens. Grand-père à ce moment-là, j'ai eu pitié de nos sujets, maltraités, mal payés, mal nourris, mal habillés, mal regardés…

Les visiteurs se moquaient d'eux et avaient pitié.  Cette pitié , dans les yeux des gens, me faisait mal, faisait couler des larmes sur mon visage.

J'aurais voulu rentrer à Canala avec ma délégation pour retrouver ma famille, mes terres, notre liberté de vivre en paix.

Quand nous sommes arrivés, nous n'avons rien dit parce que nous ne voulions pas qu'ils aient pitié de nous, nous ne voulions pas que nos enfants nous vengent.

Voilà tout ce qu'on a vécu en France et comment ils nous ont mal traités. Ca m'a soulagé, Grand-père de te raconter tout cela. Je crois que je vais rentrer à la maison parce que la nuit tombe. A demain.

 

- Une autre fiction trouvée dans le même site "Les Canala à l'exposition coloniale"

Mon journal intime

            *5 janvier 1932

Moi, Aurélia, 22 ans, originaire de Canala, je suis sur le quai de Nouméa. Je suis avec des blancs et des Kanak, on attend les retour des Canala partis pour l'exposition coloniale.

Lors de leur départ, tous ces gens étaient tristes mais ils se consolaient en pensant que leur absence ne durerait que huit mois, ainsi qu'il leur fut formellement promis par le recruteur en présence de M. Harelle. Mais cela fait déjà plus de un an qu'ils sont en France. On attend avec impatience leur retour, j'espère qu'ils ont fait un bon séjour et qu'ils ont plein de beaux souvenirs de l'exposition.

            *6 janvier 1932

J'espère que leur arrivée se fera aujourd'hui même sur le quai. J'étais avec une femme de Lifou, elle attendait le retour de son mari qui participait à cette exposition. Elle est catholique et priait pour eux, même quand on était sur le quai. vers 13 heures 30, on a aperçu au loin un énorme bateau qui se dirigeait vers nous. On pensait très fort que c'était eux. Quelques minutes après, on a vu le nom du bateau "ville de Verdun", la femme de Lifou disait que c'était ce bateau qu'ils avaient pris lors de leur départ pour La France. Nous étions très heureuses parce que ça fait "Ouh, là là !!" si longtemps qu'on les attend. Les hommes ont lâché l'ancre du bateau.

Mais moi, je ne faisais qu'observer leur attitude et leur comportement lorsqu'ils descendraient à terre. Je regardais la femme de Lifou, elle cherchais son mari partout et d'un seul coup elle s'est arrêtée et a dit :" Oh, mon Dieu, mon mari, mon mari, c'est toi ? , ce que tu as changé !"

Son mari était vêtu avec de beaux vêtements, des chaussures et un sac. Quand elle m'a vu en train de la regarder, elle s'est dirigée vers moi. Elle m'a présenté son époux. Elle lui a demandé comment s'était passée l'exposition et le voyage. Il a répondu en disant qu'il avait adoré, que c'était formidable, qu'il avait fait la connaissance d'un copain qui l'avait beaucoup aidé. Pendant qu'il racontait, ses yeux étaient éteints, même s'il faisait celui qui était joyeux.

Sa femme m'a dit : " Bon, ben, on va rentrer. A bientôt ! J'espère que l'on se reverra un jour"

Moi je cherchais toujours ma sœur, mais je ne l'apercevais pas car il y avait beaucoup de gens. Dix minutes plus tard, il ne restait que quelques personnes, je me suis inquiétée et je l'ai enfin vue.

Je l'ai embrassée très fort, en pleurant de joie, elle m'a dit : "On va rentrer chez nous à Canala".

 

            *11 janvier 1932

Nous sommes arrivées chez nous. Pendant les cinq jours du voyage, elle m'a raconté son voyage qui a été épouvantable, horrible. Elle m'a dit qu'ils furent traités comme des cannibales, ils dansaient toute la journée, même quand il pleuvait. Là-bas, il faisait très froid et ils n'étaient vêtus que d'un morceau d'étoffe. On les forçait à faire des pirogues. En France, la plupart des blancs avaient de la peine pour eux, et parfois ils leur donnaient des vêtements. Mais, moi, je ne comprends pas pourquoi l'homme de Lifou avait dit que c'était bien, qu'ils avaient fait un bon séjour.

Pourtant, ma sœur m'a dit que tout le monde avait souffert. Ma sœur a toujours gardé en elle ce terrible souvenir.

Les personnages médiatiques de Canala

* Un enfant de Canala, Éloi Machoro, né dans la tribu de Nakéty située entre les villages de Canala et Thio (Nouvelle-Calédonie) en 1945 et mort le 12 janvier 1985 près de Canala : ce fut un homme politique indépendantiste kanak du FLNKS en Nouvelle-Calédonie (article tiré de Wikipédia)

Biographie  :

5 en regard kanak du FLNKS en Nouvelle-Calédonie droite1974-1983 - Formé au séminaire de Païta, il devient instituteur en 1974. Engagé au sein de l'Union calédonienne qui prend position officiellement pour l'indépendance au congrès de Bourail en 1977 sous la conduite de Jean-Marie Tjibaou, il est élu à l'Assemblée territoriale de Nouvelle-Calédonie sous les couleurs de ce parti cette même année. Il monte bientôt les échelons, devenant en 1981 secrétaire général de l'UC en 1981 suite à l'assassinat de Pierre Declercq à son domicile le 19 septembre 1981. Nationaliste kanak, il souhaitait qu'en Nouvelle-Calédonie "rien ne soit plus comme avant", et incarne alors au sein de ce mouvement la ligne la plus radicale, partisan de l'Indépendance kanak socialiste (IKS) prônée par Jean-Marie Tjibaou, et de sa mise en place par les armes si nécessaires.

1984-1985 - Le 18 novembre 1984, suite à la formation du FLNKS en remplacement du Front indépendantiste et à l'appel au boycott des institutions et des élections par Jean-Marie Tjibaou, il fracasse une urne d'un coup de hache et dénonce ainsi le système électoral qui selon lui avantagerait les anti-indépendantistes. Le 1er décembre 1984, Jean-Marie Tjibaou forme un gouvernement provisoire de la République socialiste de Kanaky, et Éloi Machoro en devient le ministre de la Sécurité. On a dit qu'Eloi Machoro était le chef de guerre des indépendantistes, mais ce jugement est faux. Machoro n'a participé à aucune opération ayant provoqué des blessés ou des morts. Il a pris au piège une opération héliportée de gendarmerie, a escorté les gendarmes au poste de Thio, puis leur a rendu leurs armes.

Il prend le contrôle du village. Les habitants de Thio rapportèrent des humiliations subies pendant le siège : des pressions psychologiques, maltraitance physiques. Elles furent révélées sous l'anonymat des victimes mais restent encore à prouver juridiquement. Beaucoup de personnes craignaient des exactions violentes s’ils se prononçaient contre les indépendantistes. Les immigrants d'origine wallisienne et tahitienne ainsi que les mélanésiens non-indépendantistes étaient particulièrement vulnérables. Le seul décès mentionné est celui du boucher de Thio, qui se noya en tentant de s'échapper par la rivière. Après la fin du siège, le 12 décembre 1984, une vague de réfugiés fut évacuée vers Nouméa.

Le 11 janvier 1985, Yves Tual, fils d'un éleveur européen, est tué par des Mélanésiens. Cet évènement déclenche à Nouméa une émeute nocturne. Le lendemain, le 12 janvier, la gendarmerie déclenche une opération pour libérer la maison d'un Européen occupé par des militants indépendantistes emmenés par Éloi Machoro près de Canala. Cette information était fausse et destinée à provoquer l'intervention de la gendarmerie. Machoro était dans une maison appartenant à un Mélanésien et n'y était pas de force. On lui avait fait croire qu'il allait recevoir une communication du haut commissaire. La gendarmerie finira par donner l'assaut après plusieurs sommations. Éloi Machoro et un autre Kanak Marcel Nonnaro sont tués en dehors de la maison, alors que Machoro réclamait un contact avec le haut commissaire. La gendarmerie laisse Machoro agoniser durant de longues heures sans lui porter secours, alors qu'il a été abattu à La Foa à faible distance par deux tireurs du GIGN (notamment par un tir de précision au FR-F1 du capitaine Jean-Pierre Picon), venus de France pour cela et immédiatement exfiltrés. Daniel Cerdan, ancien membre du GIGN, apporte son témoignage sur la "neutralisation" d’Eloi Machoro.

Postérité :  

Pour la population caldoche, plus spécifiquement pour les anti-indépendantistes, il est perçu comme une personnalité controversée, son nom est associé à la violence d'une guerre civile qui sévissait alors sur le Territoire. Les Européens, qu'ils soient Caldoches ou fonctionnaires d'Etat, ne tiennent jamais compte qu'à la suite du massacre de Hienghène, les jeunes Canaques de la région Thio Canala voulaient massacrer la population européenne de Thio, et que c'est Eloi Machoro qui s'y est opposé. On ne lui en a tenu aucun compte. Ce qu'on lui reproche est d'avoir désarmé la population blanche de Thio, famille après famille, surarmée comme partout ailleurs, pour les empêcher de commettre des stupidités qui auraient alors véritablement enflammé le pays.

Article tiré du journal l'Express de cette époque :

La mort d'Eloi Machoro met-elle un terme au plan Pisani? Caldoches et Canaques semblent prêts à tout, sauf à négocier.

Depuis son arrivée à Nouméa, Edgard Pisani se compare volontiers à un funambule au-dessus du vide. Dans cette affaire calédonienne, une petite semaine sans bruits ni fureur juste après la révélation de son plan, le 7 janvier, lui avait presque permis de croire au miracle. 

A Paris, les états-majors politiques paraissaient prêts à le laisser travailler en paix. Sur place, indépendantistes et anti-indépendantistes retenaient leur souffle, comme s'ils avaient été bluffés par le culot de cet envoyé de Paris qui leur promettait à la fois l'indépendance et l'attachement à la France. Soudain, une nuit d'émeute à Nouméa, la mort d'un 5 en regard de A l'appui de cette thèse encore, certaines déclarations de Tjibaou gaucheCaldoche, Yves Tual, puis celles du leader indépendantiste, Eloi Machoro, et de son lieutenant... Et voilà le plan Pisani apparemment compromis. Voilà que, de nouveau, en Nouvelle-Calédonie, on se rapproche de l'irréparable. 

D'Eloi Machoro, le haut-commissaire du gouvernement avait demandé un jour une photo : "Je ne l'ai jamais vu, j'aimerais bien savoir à quoi il ressemble." Contrairement à Jean-Marie Tjibaou, l'autre dirigeant indépendantiste, très politique et diplomate, Eloi Machoro était un homme de terrain, un chef de guerre. Cet ancien instituteur de Canala avait pris la succession de Pierre Declercq à la tête de l'Union calédonienne lorsque ce dernier avait été assassiné, en 1981. C'est au nom de l'U.C. que, en mai 1984, Machoro s'était rendu à Paris au moment où l'Assemblée nationale débattait le projet de statut de                      Tombe de Eloi Machoro à Canala

Mais, à la fin de mai 1984, la Nouvelle-Calédonie ne faisait pas encore la Une des journaux. Ce Machoro, on le verra quelques mois plus tard détruire à la hache une urne électorale et décréter l'occupation de Thio. Ce Machoro, on le rencontrait le plus souvent torse nu, coiffé d'une casquette de broussard et répétant que, pour rétablir la souveraineté du peuple canaque, seule l'action sur le terrain était réellement efficace. C'est donc avec une extrême réserve que Machoro avait accepté de lever les barrages au moment où des discussions s'engageaient entre Pisani et les indépendantistes. Il avait pris soin de conserver des positions solides à Thio, malgré toutes les pressions exercées par le haut-commissaire pour obtenir son départ. Pendant des semaines, on l'avait même vu se livrer avec ses hommes à une activité passablement inquiétante. Utilisant un matériel de terrassement subtilisé à la Société Le Nickel, il avait entrepris de tracer plusieurs pistes à travers la montagne. La première devait aboutir à Boulouparis, et fut abandonnée uniquement en raison des difficultés techniques rencontrées sur le terrain. La deuxième suivait la rivière Ouenghi, au nord de l'aéroport de la Tontouta. La troisième partait de Kanala pour aboutir à la ferme dite de La Bachellerie. Dans l'esprit de Machoro, il s'agissait de permettre aux Canaques de passer, le jour venu, d'un versant de l'île à l'autre et de recommencer, si besoin, à La Foa ou à Boulouparis, l'opération qui avait été menée à Thio. Or cela, Pisani ne pouvait évidemment pas le tolérer. 

Toujours dans l'Express, un article de Michel Labro publié le 18/01/1985 :

la mort d'Eloi Machoro ; l'engrenage ?

Le 11 janvier, Machoro est repéré à 17 kilomètres de La Foa, à La Bachellerie, précisément. Pour Pisani, c'est l'occasion d'intervenir. Plusieurs centaines de gendarmes, bientôt renforcés par des éléments du G.I.G.N., vont enfermer Machoro dans une nasse. Aux gendarmes qui le somment de se rendre, il lance: "Ne franchissez pas la barrière ou nous vous tirons dessus." Jusqu'au matin, le leader indépendantiste se déplacera, fusil en bandoulière, à l'extérieur de la maison, comme s'il était sûr de l'immunité. "La mort, je n'y croirai que lorsque j'aurai vraiment une balle dans la peau", avait-il dit un jour. Cette fois, il ne sait pas qu'à 150 mètres de lui un des tireurs du G.I.G.N. l'a déjà ajusté dans le viseur de son fusil à lunette. Les gendarmes cherchent-ils seulement à le blesser - à le "neutraliser" - comme ils en ont reçu l'ordre ? Les humiliations qu'ils ont subies face à Machoro au cours des dernières semaines leur reviennent-elles alors à l'esprit ? Toujours est-il que, lorsque les coups partent, Machoro et l'un de ses compagnons, Marcel Nonnaro, s'écroulent, frappés à mort.

Sa disparition sonne-t-elle le glas du plan Pisani (plan dont je reparlerai plus tard longuement lorsque j'aborderai la Nouvelle Calédonie à travers son évolution politique) ? A l'appui de cette thèse, l'impatience, le désir de vengeance de certains militants pour qui l'exécution d'Eloi ressemble fort à celle d'un Che Guevara des antipodes. A l'appui de cette thèse encore, certaines déclarations de Tjibaou, qui n'a pas hésité à affirmer que "le plan Pisani était hypothéqué parce que son auteur avait du sang sur les mains". Certes, les Canaques acceptent de reprendre la discussion avec le gouvernement, ajoutait Tjibaou, mais ils se borneront à réclamer la restitution de leur souveraineté sur le territoire. Le président du "gouvernement provisoire" indépendantiste est pourtant trop fin politique pour ne pas mesurer aujourd'hui le rapport de forces. On est loin en effet du temps où, aux 400 gendarmes territoriaux, aux brigades de brousse, ne s'ajoutaient que trois escadrons de gendarmes mobiles se relayant tous les quatre mois. Après les troubles du mois de novembre, le nombre d'escadrons est passé à 16, puis à 20 ; il est actuellement de 26. Ces gendarmes disposent de 17 engins blindés et des 7 hélicoptères Puma de l'Armée de l'air et de l'aviation légère de l'Armée de terre. Les compagnies de C.R.S., elles, sont au nombre de six. Quant à l'armée, appelée à surveiller les points sensibles, elle a reçu, elle aussi, du renfort. Ici, un bâtiment de transport léger venu de Papeete ; là, deux Transall supplémentaires. Et il y a aussi les paras de Carcassonne - les mêmes que l'on envoya hier au Tchad et au Liban - venus accroître les effectifs du régiment d'infanterie de marine du Pacifique. 

Maisons et magasins incendiés

Même si, au sein du mouvement indépendantiste, certains passent à l'action directe pour venger Machoro, Tjibaou, fidèle à sa stratégie, s'efforcera de mener une politique plus subtile en faisant valoir que ce sont les Européens qui ont tué Machoro, que ce sont eux qui refusent une solution politique. Le pari de Pisani n'était-il pas, en réalité, de gagner un bon tiers de l'électorat blanc à l'idée d'une indépendance chapeautée par la France? Lassés de vivre sur le qui-vive, le doigt sur la détente, certains Caldoches auraient pu se laisser séduire par cette perspective, à condition, bien sûr, d'obtenir des garanties suffisantes de la part des Canaques. 

L'assassinat, le 11 janvier, du jeune broussard de 17 ans et demi Yves Tual, les émeutes de Nouméa qui ont suivi rendent aujourd'hui encore plus aléatoire une évolution des esprits. 

Il fallait que la mort de ce Caldoche fût ressentie comme un défi presque insupportable pour qu'une partie de Nouméa descendît ainsi dans la rue. Nouméa, d'ordinaire si tranquille, si souvent replié sur son confort occidental; Nouméa, où les dimanches sont aussi mornes que ceux d'une petite ville métropolitaine, le soleil et les cocotiers en plus. Pendant plus d'une journée, on verra de jeunes Caldoches, foulard sur le nez, conspuer le gouvernement français en brandissant le drapeau tricolore; on verra des hommes crever les pneus d'une voiture de pompiers et précipiter un bulldozer, commandes bloquées, sur les grilles du haut-commissariat ; on verra, enfin, d'autres hommes incendier les maisons ou les établissements appartenant à des personnalités suspectées de financer les indépendantistes. Edgard Pisani répondra en décrétant l'état d'urgence, en s'efforçant de placer devant leurs responsabilités les membres du R.P.C.R. (Rassemblement pour la Calédonie dans la République) au gouvernement territorial ou à la municipalité de Nouméa. Tout en appelant les habitants à rentrer chez eux, le vieux maire de là ville, Roger Laroque, remerciera les manifestants descendus dans la rue pour y clamer leur volonté de rester français. Il expliquera: " Le projet Pisani est dépassé, la seule question à soumettre à un référendum est: "Voulez-vous, ou non, que la Calédonie reste française? " Bref, après la mort d'Eloi Machoro et les émeutes de Nouméa, Pisani risque de se trouver dans une impasse: il lui faut, en effet, discuter avec des hommes qui sont prêts à discuter de tout, sauf de son projet. 

* Un autre enfant de Canala : Christian Karembeu (sources : voyagecaro.canalblog.com et Wikipédia)

6 en regard de jambe au niveau du genou pour porter le pied droiteChristian Karembeu (dit Le cheval fou par ses coéquipiers de l'équipe de France en 1998) est un footballeur français né le 3 décembre 1970 à Lifou en Nouvelle-Calédonie ( France).

Il occupe le poste de défenseur ou de milieu de terrain défensif selon les configurations d'équipe. Il annonce sa retraite de joueur  le 13 octobre 2005.

D'une famille kanak cinquième enfant d'une fratrie de dix huit enfants, le berceau de la famille de son père est Canala tandis que celui de sa mère est l'île de Lifou, sur laquelle il est né, marié avec le mannequin slovaque Adriana Sklenaříková, son rêve était de marquer un but par une aile de pigeon (c'est-à-dire plier la jambe au niveau du genou pour porter le pied sur le côté dans le but de frapper le ballon). À défaut d'avoir réalisé ce rêve, il joue pour le Real Madrid de 1997 à 2000 tout en contribuant à la victoire de l'équipe de France de football lors de la Coupe du monde 1998, en France, et au championnat d'Europe des Nations 2000, deux épreuves majeures du football mondial.

Malgré ses nombreuses sélections en Équipe de France, il a toujours refusé de chanter La Marseillaise, en référence au passé colonial de la France dans son pays, la Nouvelle-Calédonie.  Son arrière-grand-père paternel faisait notamment partie des kanaks exhibés au Jardin d'acclimatation lors de l'Exposition coloniale de 1931.

Il finit sa carrière professionnelle au SC Bastia.

L'Olympiakos a déboursé 5,2 millions d'Euros pour l'acquérir en 2001.

En octobre 2006, il devient consultant pour le commentaire des matchs diffusés par France Télévisions.

 

Voici donc un aperçu du site de mon deuxième espace de travail où je vais travailler durant six mois, beaucoup plus équipé que celui de Kouaoua, avec une fréquentation qui est au moins cinq fois plus importante, mais où la population est beaucoup plus engagée, voire réticente en matière de contact avec les blancs, que ce soit les Caldoches, bien sûr, mais aussi les "Zoreilles" (les expatriés de la métropole ou d'autres pays) tels que les soignants du dispensaire. C'est vrai qu'ils témoignent pour ce qui est des adultes et des coutumiers une certaine reconnaissance pour le fait que nous leur prodiguons gracieusement les soins, mais les jeunes ne semblent que peu sensibles à ce fait : la preuve en est le vol et l'incendie de notre véhicule tous terrains. Je perçois bien que pour bien vivre à Canala, il faudra affuter finement l'outil "diplomatie"...

P.S. : Pour qui souhaite mieux connaître ce pays par l'image, il faut découvrir sur le site "You Tube" le film réalisé par Gille Dagneau à partir des images en format huit millimètres récoltées par un gendarme en mission, le gendarme Citron (Robert Citron) à l'adresse http://www.youtube.com/watch?v=Tw6v6QLEC2E . Ce représentant de l'ordre se passionna pour la civilisation mélanésienne et il en filma à l'aide d'une petite caméra non sonore des particularismes lors d'une première mission de cinq ans à l'Île des Pins, puis d'une autre de quatre ans à Canala où il exerça la fonction de commandant de la brigade. Son travail reste une référence pour les historiens, les ethnologues, voire la population kanak elle-même qui y découvre parfois des traditions aujourd'hui oubliées. Robert Citron a ainsi fixé des images en général inaccessibles aux blancs, comme le travail dans le champ sacré réservé à la culture de l'igname par exemple.

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C
Tout ceci est passionnant... Je vais de ce pas sur Youtube !<br /> <br /> Merci Jean-Pierre, grosses bises.<br /> <br /> Céline
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